Le culte de la Liberté

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jeudi 25 juin 2015

Charleston et ses leçons de pardon et de justice

Comment devons-nous réagir devant les horreurs qui arrivent si fréquemment dans le monde d'aujourd'hui ?
L'auteur de cet article raconte sur son blog sa visite toute récente à Charleston. Il m'a semblé que ses réflexions méritent notre attention.

Le weekend passé, j’étais à Charleston, à l’église Emmanuel, pour assister au premier culte depuis l’attaque terroriste brutale par un raciste blanc, la semaine précédente. En me promenant au centre ville, j’étais frappé par l’unité que respirait la ville. Des gens chantaient devant l’église. On trouvait des signes de solidarité sur toutes les églises de la ville et les cloches sonnaient à l’unisson. Le sujet principal des conversations ? Le pardon, et plus particulièrement, celui donné par les familles des victimes au terroriste, même après que celui-ci ait tué les leurs. Pour certains, c’était une belle chose. Pour d’autres, cela les choquait.
D’un côté, c’est le genre de réaction que la plupart espéreraient avoir devant le mal. Mais en même temps, la plupart de ceux qui m’en ont parlé m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas s’imaginer qu’ils puissent pardonner une telle horreur. Certains allaient jusqu’à se demander si c’était vraiment juste. Après tout, selon eux, il s’agit d’un meurtrier qui devrait être traduit en justice.
La tension entre ces deux points de vue ne doit pas nous surprendre. Elle touche à la raison même pourquoi l’évangile est une bonne nouvelle. Pour nous, trop souvent, pardonner veut dire autre chose que ce que la Bible en dit.
Pardonner ne veut pas dire que l’on ne s’était pas compris et que maintenant, on se comprend. Si tout ce que nous avons comme problème est un manque de communiquer, on n’a pas besoin du pardon. Pardonner ne veut pas dire que tout ce qui s’est passé est arrangé. Pardonner ne veut pas dire qu’il n’y aura donc pas de conséquences au mal qui a été fait. Le pardon au sens chrétien n’est pas opposé à la justice.
Pourquoi ? Parce que nous apprenons le sens du pardon par le pardon que nous avons reçu. Ce pardon-là n’est pas une amnistie cosmique. La compassion et la justice de Dieu se rencontrent dans la croix du Christ. Quand Dieu nous pardonne, cela ne veut pas dire que donc sa justice est au chômage. Non, Dieu nous regarde comme en Christ qui  a pris sur lui et à notre place le châtiment dû pour nos péchés (Romains 3.21-26). Ce n’est pas que nous recevons un carton de libre passage, en court-circuitant l’enfer. C’est que, en Christ, nous avons déjà été en enfer – et, en Christ, nous avons été ressuscités des morts et nous avons reçu une place à la droite de Dieu.
Lors de l’arrestation de Jésus (Matthieu 26.47-54), le Seigneur a dit à Pierre de ranger son épée. Non pas parce que Jésus ne croyait pas dans la punition des méchants – il suffit de lire les derniers chapitres de l’Apocalypse ! Jésus dit à Pierre qu’il pourrait avoir une armée gigantesque de guerriers angéliques à son côté – et un jour, ce sera le cas. Non, ce qu’il voulait faire comprendre à Pierre était qu’une telle justice n’était pas du ressort de Pierre. Et c’est là le point important.
Les familles des victimes ne disent pas que le terroriste devrait échapper au châtiment. Pour l’Etat de permettre cela serait en soi un acte immoral (Proverbes 17.15 : L’Eternel a également en horreur celui qui acquitte le coupable et celui qui condamne l’innocent). Le rôle de l’Etat est d’appliquer la justice, et non la compassion évangélique, du fait même que ce n’est pas l’Etat qui a été crucifié pour les pécheurs. Il est de sa responsabilité de maintenir la justice en punissant les méchants (Romains 13.4).
Lorsque nous pardonnons, que ce soit après un attentat terrible comme ce qui vient de se passer à Charleston ou suite aux mille et un façons que nous avons été blessés, nous ne disons pas qu’il n’y a pas de place pour la vengeance. Nous disons que la vengeance appartient à Dieu et non pas à nous (Romains 12.19). Nous n’avons pas besoin d’exiger la justice de celui qui a péché contre nous, parce que nous savons que Dieu jugera chaque péché, soit au Jugement dernier, soit, et c’est ce que nous voudrions espérer, à la croix si le coupable se rend à celui qui “a apaisé la colère de Dieu contre nous en s’offrant pour nos péchés et pas seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier.” (1Jean 2.2)
Ce genre de pardon nous libère pour travailler ensemble en faveur de la justice, y compris la justice contre les meurtriers et les terroristes, parce que ces questions demeurent des questions de la justice publique, et non pas de la vengeance personnelle. Mais, et c’est plus important, un tel pardon nous empêche de devenir l’esclave de celui qui nous a fait du tort. Nous n’avons pas besoin d’accumuler de l’amertume, ni de conserver un registre des torts, ni de rêver de manières à nous venger.

Lorsque nous pardonnons, nous ne regardons pas ailleurs. Nous n’excusons pas le mal. Nous ne disons pas que, maintenant, tout est “OK”. Bien au contraire, nous confessons que le jugement viendra et que nous pouvons faire confiance en celui qui juge mieux que nous puissions le faire en nous faisant confiance à nous-mêmes.
Russell Moore

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