Tempête à l’UCL [1]
sur un prof qui a osé partager avec ses étudiants une réflexion sur l’avortement. L’université
prépare une réaction, rappelant toutefois que sa position sur l’avortement est
claire : le droit à l’avortement est
inscrit dans le droit belge et ces notes de cours sont en contradiction avec
les valeurs portées par l’université. Le fait de véhiculer des positions
contraires à ces “valeurs” dans le cadre d’un enseignement est inacceptable. Pour
une université catholique, quel courage remarquable ! Et quelle belle
démonstration de démocratie ! Inacceptable. On mettra donc à l’entrée de
Louvain-la-Neuve : Attention, à l'UCL seule la pensée unique est
acceptable ! Sur le sceau de l’université il est
écrit : sedes
sapientiae. Le siège de la sagesse. Voici qu’un cours
d’amour de la sagesse (= philosophie) devient inacceptable au siège de la
sagesse !
C’est que le
petit monde de ceux qui croient avoir le droit d’imposer leur pensée unique en matière
d’avortement est vraiment en émoi. Qu’en entende ce genre de propos dans une
Eglise, c’est déjà intolérable. Mais qu’on ose les propager dans le cadre d’une
université, cela devrait être sanctionné. En plus, son texte n’admet que d’un
seul point de vue : c’est démagogique.
Plus je lis les
réactions qu’il provoque, plus je me dis que peu de gens ont pris la peine de
lire son texte [2]. Et encore moins seront capables de le réfuter de
manière crédible.
Deux citations
du début du cours incriminé permettent de situer le débat. L’auteur écrit :
“… Cicéron remarque qu’en philosophie comme dans un procès au
tribunal, le bon juge est celui qui prend sa décision, mûrement réfléchie,
après avoir entendu ce que les uns et les autres avaient à dire, sous peine de
faire preuve de partialité. Est impartial, en revanche, celui qui accepte d’alimenter
sa propre réflexion en accordant aux différentes parties en présence le droit à
faire valoir leur point de vue.” L’impartialité implique que l’on écoute les
deux (ou plus) opinions. Il n’est pas difficile de prouver que dans nos
universités, comme dans les média, une seule opinion a droit de cité. Il y a
donc partialité à grande échelle.
La deuxième
citation : “Quand je dis que l’on n’argumente pas philosophiquement pour
remporter la mise dans un débat, cela ne veut pas dire que l’argumentaire
serait neutre. Il n’y a pas d’argument “neutre” : un argument s’efforce d’établir
quelque chose; le tout est de peser l’objectivité ainsi que la valeur
démonstrative de cet argument qui soutient une conclusion. Il est tout à fait
permis de discuter, je le redis : la philosophie sert précisément à cela.
Mais il n’est pas de discussion sérieuse qui fasse l’impasse sur la progression
logique de l’exposé et sur le caractère raisonné de ce qui est développé :
ce sont les fous et les enfants mal élevés qui se bouchent les oreilles et qui
se mettent à crier quand ils entendent quelque chose qui leur déplaît ou les
irrite.” J’ai entendu à la télévision le reproche que le cours n’était ni neutre,
ni ouvert sur une autre opinion. Mais, dans ce domaine précis, comme dans un
certain nombre d’autres (je vous laisse le soin de les découvrir), y a-t-il vraiment
des opinions neutres ? Ce que nous avons habitude de lire et d’entendre l’est-il
donc ? Or, comme le dit l’auteur, les fous et les enfants mal élevés se
bouchent les oreilles et se mettent à crier quand ils entendent quelque chose
qui leur déplaît ou les irrite.
La
loi n’autorise pas l’avortement mais elle suspend les poursuites légales si un
certain nombre de conditions sont remplies.
Article 1er :
l’article 348 du Code pénal est remplacé par la disposition suivante :
"celui qui, par aliments, breuvages, médicaments ou par un moyen quelconque,
aura à dessein fait avorter une femme qui n’y a pas consenti, sera puni de
réclusion. Si les moyens employés ont manqué leur effet, l’article 52 sera
appliqué."
Article 2 : L’article
350 du même Code est remplacé par la disposition suivante : "celui
qui, par aliments, breuvages, médicaments ou par tout autre moyen aura fait
avorter une femme qui y a consenti, sera condamné à un emprisonnement de trois
mois à un an et à une amende de cent francs à cinq cents francs. Toutefois, il
n’y aura pas d’infraction, lorsque la femme enceinte, que son état place en
situation de détresse, a demandé à un médecin d’interrompre sa grossesse et que
cette interruption est pratiquée dans certaines conditions, parmi lesquelles :
- l’interruption est pratiquée avant la
fin de la douzième semaine suivant la conception;
- elle se pratique dans des centres où elle recevra informations et soutien psychologique
- Le médecin doit informer la patiente des risques et des autres solutions comme l’adoption.
- elle se pratique dans des centres où elle recevra informations et soutien psychologique
- Le médecin doit informer la patiente des risques et des autres solutions comme l’adoption.
La
permission des parents n’apparaît pas dans la loi pour une demande formulée par
une mineure. La jurisprudence reconnaît plutôt, en vertu de l’égalité devant la
loi, le droit à la jeune fille mineure de poser un acte responsable concernant
sa santé.
Par
ailleurs, il a été précisé que les membres du personnel médical et infirmier
avaient le droit de refuser de pratiquer une interruption de grossesse, gardant
ainsi leur totale liberté de conscience. [3]
Est-ce que cette
loi est respectée ? – je pense notamment à ces deux dispositions : la
situation de détresse et l’information (neutre ?) sur les risques et les
autres solutions. L’avortement est devenu un droit, même si la loi se refuse à
ce vocabulaire. Et ce “droit” serait-il fermé à toute discussion ultérieure ?
Voire à tout retour en arrière si une majorité parlementaire peut être trouvée
pour ce faire ? Cela semble très improbable pour le moment. La situation
semble verrouillée et bétonnée. Mais pourquoi alors tant d’agitation devant les
propos pertinents d’un professeur ? Parce que, au plus profond de soi, on connaît
le côté infondé de la législation et des pratiques qui vont au-delà de cette
législation ?
L’auteur n’a en
rien abordé cette question d’un point de vue religieux ou théologique. Il a
raisonné en philosophe. Est-ce là la raison derrière la virulence de certains,
parce qu’ils avaient cru que toute opposition à l’avortement se limitait à
quelques religieux arriérés ? Or, voilà un raisonnement non religieux rondement
mené pour démentir le bien-fondé de l’avortement. Il y a donc de quoi faire
trembler les esprits libres ?
Libres ?
Justement. Pas si libres que cela. Dans le fil des réactions de l’article du
Soir, je lisais ceci : “… le rôle d’un
prof de philo doit rester neutre et sans influence. L’IVG doit rester un droit
inaliénable et doit se prendre en âme et conscience …” Cela fait
beaucoup de “doit” ! Comment peut-on décider en faveur d’un avortement ‘en
âme et conscience’ si on n’a jamais réellement pris en compte les droits à la
vie de ce nouvel être humain, qui ne fait pas partie du corps de la femme, mais
qui se trouve dans le corps de cette
femme et, dans la plupart des cas, de manière consentie par elle ? Comment
l’avortement peut-il rester un droit inaliénable si, pour commencer, il n’est
déjà pas un droit eu égard de la loi ? Et les erreurs, sont-elles par
définition inaliénables ? Les lois nazies contre les Juifs, étaient-elles
inaliénables ? Le rôle d’un prof doit rester sans influence ? Dans ce
cas, abolissons la profession. Nous voulons justement qu’un prof ait de l’influence.
Mais nous voulons que cette influence soit pour le bien et donc, bien fondé. L’auteur
incriminé ne peut qu’être félicité parce que c’est exactement ce qu’il s’est
efforcé d’être.
Merci donc à Stéphane
Mercier !
[1]
Université Catholique de Louvain pour les non-initiés.
[2] Accessible
ici : http://www.lesoir.be/1465095/article/actualite/belgique/2017-03-21/un-plaidoyer-anti-avortement-dans-des-notes-cours-l-ucl. Vous pouvez trouver le texte complet sur mon site, www.croiretcomprendre.be.