La déclaration de l’indépendance catalane présente un défi à
l’Europe. Relever ce défi tient notamment aux trois choses suivantes.
1. La solidarité
essentielle
Dans l’ensemble, les régions qui cherchent à devenir
indépendantes sont les régions prospères de l’Europe, telles la Catalogne, la
Flandre et la Lombardie. Ces régions ne veulent plus que leurs surplus
économiques soient siphonnés par des régions moins prospères dans leurs pays.
Si l’aspiration à l’indépendance en tant que telle mérite une certaine
appréciation positive – ne fut-ce que par son enracinement dans l’histoire
européenne – elle doit pourtant aussi rencontrer une critique évidente. Ces
régions veulent quitter la solidarité nationale tout en conservant ou en
obtenant une place à part entière dans l’Europe. Cela est quelque peu
contradictoire ! Car l’Europe favorise cette même solidarité. Ces régions
seraient-elles donc d’accord avec des prélèvements financiers européens importants
en faveur des régions sous-développées, dans leurs propres pays ou ailleurs, là
où elles les refusent sur le plan national ? Pour ne pas encourager le
manque de logique dans la démarche, si déjà un processus d’indépendance était
possible, l’Europe devrait développer des mesures de transition pour ces
régions exprimant cette solidarité. Autrement dit, quitter un cadre national en
faveur d’un cadre européen ne peut en aucun cas résulter en une diminution de
cette solidarité.
2. Un cadre
nécessaire
L’Union européenne devrait développer un processus pour encadrer
les aspirations à l’indépendance des régions. Un tel processus encadré pourrait
être la condition sine qua non à l’intégration dans l’Union pour le nouvel
état. Il n’est pas désirable d’abandonner un processus aussi important aux pays
et aux régions. Le résultat en serait, nécessairement ?, la confusion, les
récriminations, le gêne et les excès de tout genre. La crise catalane est
indicative de cela. Comment définir un tel cadre ? L’Europe pourrait
déterminer un double seuil référendaire obligatoire pour profiter d’une future
entrée dans l’Union. De quoi s’agit-il ? Pour qu’un résultat de référendum
en faveur d’une l’indépendance soit recevable, il faudrait exiger une majorité
d’au moins 70%, avec un minimum de participation d’au moins 70%. Ce double
seuil éviterait une décision par une majorité trop courte qui risquerait d’être
renversée à la prochaine occasion. Les majorités tant en faveur de l’indépendance
catalane que celle du processus opposé en faveur du Brexit étaient clairement trop
courtes. Une telle majorité sera toujours perçue comme injuste par la minorité.
En plus, un tel référendum ne devrait pas pouvoir se refaire trop souvent.
Idéalement, il faudrait au moins cinq à sept ans entre deux référendaire successifs sur la même question. Sans cela, la stabilité, tant du pays que de l’Europe,
serait compromise.
3. Un correctif important
L’Europe devrait clairement condamner tout recours à l’arme
judiciaire en cas de conflit politique. Cela devrait exclure tout recours au
processus européen de transmission de mandats d’arrêt et inclure la possibilité
d’un recours en urgence à la Cour européenne. Nous constatons avec inquiétude
la dérive turque où un président s’arroge tous les pouvoirs pour juguler l’opposition.
Devrait-on se juger incompétent devant une dérive erdoganesque semblable en Espagne ?
Devrait-il devenir acceptable d’ouvrir un procès politique dans un pays
européen ? Abuser des tribunaux et du système européen de la justice pour
se venger ou se défaire d’une dissension politique ne devrait même pas être une
option.
L’Espagne semble retomber dans ses anciens travers
autoritaires. L’inquisition, l’autoritarisme arrogant de Philippe II au 16me siècle – dont la Belgique a souffert les conséquences pendant des siècles –,
ou, plus près de chez nous, le Franquisme, ont créé dans ce pays un passif sans
doute difficile à gérer. Mais le meilleur service à rendre à ce pays en ce
moment est de lui rappeler qu’un retour vers ce passé-là est inacceptable.
Image : http://blog.wikicampers.fr/catalogne-en-camping-car/