Le culte de la Liberté

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vendredi 7 juin 2019

Du bon usage des mots en politique


La campagne électorale et le début des négociations qui en est la conséquence logique a fait apparaître quelques mots politiques avec une fréquence assez importante. J’aimerais traiter ici de trois de ces mots : extrême droite, progressiste et démocratique.

Extrême droite :
Comment définir ce genre de mot ? L’usage en est souvent péjoratif. Il est essentiellement utilisé par ceux qui se considèrent comme les ennemis de l’extrême droite. Pourquoi en sont-ils les ennemis ? A cause du passé, bien sûr. Hitler et Mussolini ont passé par là. C’est pour cela que l’on parle de “peste brune”, rappel de la couleur des chemise des SA. L’extrême droite est donc avant tout l’héritière des mouvements fascistes et nazis des années 1930-1945. Traiter quelqu’un ou un parti d’extrême droite implique qu’il est infréquentable, facilement violent et fondamentalement opposé au respect de l’être humain.
Notre radio et télévision francophone, la RTBF, voulant expliquer le caractère irréductiblement extrême droite du Vlaams Belang, a cru nécessaire de le faire d’une manière surprenante. Le Belang est extrême droite, a-t-elle dit un soir au JT, parce qu’il est ouvertement opposé à l’avortement, à l’euthanasie et aux homosexuels. La conclusion qui s’impose est que, pour elle, ces valeurs sont donc typiquement celles de l’extrême droite.
Ce que l’on oublie un peu vite est que le non-respect de la vie humaine était justement une caractéristique typique du Nazisme. C’est lui qui va mettre en action à grande échelle un programme d’euthanasie. Et l’avortement ? Si les Nazis ont durci la législation contre l’avortement pour les femmes considérées comme supérieures, ils publient en même temps une circulaire secrète en 1934 aux Offices de la santé du peuple autorisant l’avortement pour les femmes si une “descendance héréditairement malade” était considérée comme prévisible. Le décret secret du 19 novembre 1940 a été plus loin en rendant obligatoire l’avortement pour les femmes “inférieures”.[1]
Cela est très intéressant ! En révélant que l’extrême droite propose une éthique opposée au Nazisme – je l’ignorais –, la RTBF nous rappelle, sans le dire, bien sûr, et sans le vouloir !, que les vrais héritiers du Nazisme, sur ce point, sont là où on ne croyait pas devoir les chercher ! On les trouve, entre autres, à gauche. Quand on appelle l’extrême droite fasciste et infréquentable, ce qui peut être vrai, on tait prudemment sa propre communion de pensée avec le Nazisme !
Ceci n’est pas pour dire que, donc, le Vlaams Belang est un parti au-delà de tout soupçon. Je l’ignore, comme la plupart des gens. Tout ce que je veux dire est que la RTBF a révélé, sans le vouloir, l’hypocrisie qui se cache derrière les mots “extrême droite”.

Progressiste :
Voici un autre adjectif qui mérite réflexion. Autant que le précédent est un mot péjoratif que l’on attribue seulement aux autres pour mieux les exclure, celui-ci est perçu comme entièrement positif et on ne se l’attribue qu’à soi-même ou à ses semblables. On mentionne cela si naturellement que l’on ne remarque même plus qu’on est en train de se donner un compliment, genre : nous sommes les seuls à travailler au progrès de la société.
Mais que veut dire être progressiste ? Wikipédia propose la définition suivante : Le progressisme est la volonté d’instaurer ou d’imposer un progrès social par des réformes ou par la violence en opposition au conservatisme. En tant que philosophie, le progressisme se fonde sur le progrès social et l’idée que les avancées en matière de science, technologie, développement économique et l’organisation sociale sont vitaux à l’amélioration de la condition humaine.
C’est une définition intéressante par son usage des mots à problème suivants : “s’imposer” et “par la violence” si besoin. Ce n’est donc pas une philosophie innocente ! Le même article en trace l’histoire : être progressiste devient le trait d’union de toutes les forces qui soutiennent l’URSS stalinienne, surtout après 1945. A l’ère de la division entre deux blocs, à l’époque de la guerre froide, le camp communiste se définit par “progressiste” par opposition au camp américain “réactionnaire”, “colonialiste” ou “néocolonialiste”, soumis à des “forces obscures”. En 1949 au moment du 70e anniversaire de Staline, Malenkov parlait du dictateur comme d’un “guide de l’humanité progressiste”.
Ce court détour par l’histoire est utile pour saisir le lien direct entre l’adjectif progressiste et le Stalinisme. Qui l’eut cru ? Nous sommes donc devant un courant de pensée caractérisée historiquement par la répression et la dictature. Le progrès de la société qu’il préconise n’est pas nécessairement ce que M. Tout-le-monde appellerait le progrès. C’est peut-être même le contraire.
Curieusement, ce que les progressistes, comme ceux de la RTBF, dénoncent comme étant typique de l’extrême droite correspond d’assez près à ce qui caractérise les forces progressistes : avoir une vision claire et impérialiste de l’avenir vers lequel on veut conduire l’humanité, malgré elle si besoin, et utiliser tous les moyens nécessaires pour y parvenir. C’est glaçant ! Et si les effets éthiques de cette philosophie dans le monde actuel sont une indication de l’avenir, il y a des soucis à se faire.

Démocratique :
Voici un adjectif surement sans problèmes ! Et pourtant ! Le mot est souvent utilisé tant par nos politiciens que par la RTBF. Mais l’usage en est étrange. Il est tantôt utilisé positivement – les partis démocratiques – tantôt de manière franchement négative : tel parti n’est pas démocratique. Nous avons donc dans le paysage politique belge des partis qui sont assez systématiquement traités de non-démocratiques. Du coup, il faut se poser quelques questions ! Qui détermine l’attribution des points en démocratie ? Que veut dire démocratique ? Quelles sont les conséquences d’une discrimination dans ce domaine ?
Commençons par le dictionnaire. Selon le Larousse, la démocratie est un :
·         Système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple.
·         Etat ayant ce type de gouvernement.
·         Système de rapports établis à l’intérieur d’une institution, d’un groupe, etc., où il est tenu compte, aux divers niveaux hiérarchiques, des avis de ceux qui ont à exécuter les tâches commandées.
Tout parti qui s’inscrit dans un processus dans lequel la souveraineté émane du peuple devrait être regardé comme démocratique. Bien sûr, un parti peut participer au jeu démocratique et s’en servir pour instaurer un régime absolutiste. Les exemples abondent, notamment aux extrêmes : les Nazis, les communistes et les islamistes. Il est clair que la participation à des élections dans ces cas n’exprima aucunement un désir de respecter la démocratie. Dans l’éventail des partis politiques belges, on peut suspecter un parti islamiste de nourrir ce genre d’idées.
Cependant, il est dans l’intention de la plupart des partis politiques d’instaurer un régime où la minorité n’aura qu’à accepter ce que dicte la majorité. Un gouvernement où les Ecolos auraient la liberté d’exécuter la totalité de leur programme, tout simplement parce qu’ils auraient obtenu une majorité absolue, serait une dictature pour beaucoup et, avant bien longtemps, pour presque tout le monde. La même chose vaut sans doute pour le PTB marxiste, et, peut-être, pour le Vlaams Belang (le peut-être du fait que ce parti est exclusivement régional. Il ne semble pas avoir de projet pour la Wallonie) Le fait qu’aucun parti n’obtient ce genre de majorité nous garde de bien de déboires peu démocratiques !
Qui peut se permettre d’attribuer les points en démocratie ? Tout d’abord, c’est toujours l’électeur qui a raison, même si cet électeur est flamand ! Tout parti qui est prêt à jouer le jeu politique mérite au moins le nom démocratique, même un parti qui voudrait abolir l’avortement. Si on nie cela on trahit son refus de la démocratie ! Après tout, l’avortement a été établi par un vote “démocratique” (les guillemets pour rappeler qu’une campagne orchestrée de désinformation massive a précédé ce vote. Sa valeur démocratique est donc quelque peu entachée). Il reste un fait, nié par beaucoup aujourd’hui, qu’un vote démocratique peut renverser une telle loi. Celui qui rejette cela, dévoile le dictateur qui sommeille en lui.
La RTBF s’arroge assez facilement le droit de distribuer les points. Par exemple, pendant la campagne électorale, elle a décidé de n’accorder aucun temps d’antenne au Parti Populaire. Elle a organisé un débat entre les présidents des six plus grands partis francophones. Comme au parlement fédéral précédent, il n’y avait que sept partis francophones, ce “six plus grands partis” (ça sonne joliment démocratique !) ne veut plus rien dire d’autre que : “Nous décidons d’exclure tel parti que nous n’apprécions pas.” Mais alors, on n’est plus en démocratie. On est en dictature. La même RTBF ajoute la blessure à l’insulte en mettant au JT, quelques jours plus tard, la démission du président du PP.
Mon seul point ici est de démontrer que le mot démocratie est d’un usage fort élastique. Il ne veut dès lors plus dire grand-chose.

L’extrême droite est, semble-t-il, opposée aux pratiques éthiques méprisables du Nazisme, là même où d’autres partis qui se félicitent de leur démocratie bon teint se dévoilent être les héritiers du Nazisme sur ces mêmes points.
Les partis progressistes se trouvent être les héritiers en ligne directe du Stalinisme qui a prouvé être une régression de premier ordre. Et si être progressiste est plus une tare qu’un label de qualité ?
La démocratie est à géométrie variable. Tout dépend. De quoi ? Trop souvent de l’orgueil de celui qui prétend être au-dessus de toute suspicion.
Le bon usage des mots en politique ? On n’est peut-être même pas encore au niveau CEB.



[1] Wikipédia : Eugénisme sous le régime nazi.