Comment devons-nous réagir devant les horreurs qui arrivent si fréquemment dans le monde d'aujourd'hui ?
L'auteur de cet article raconte sur son blog sa visite toute récente à Charleston. Il m'a semblé que ses réflexions méritent notre attention.
Le weekend passé,
j’étais à Charleston, à l’église Emmanuel, pour assister au premier culte
depuis l’attaque terroriste brutale par un raciste blanc, la semaine
précédente. En me promenant au centre ville, j’étais frappé par l’unité que
respirait la ville. Des gens chantaient devant l’église. On trouvait des signes
de solidarité sur toutes les églises de la ville et les cloches sonnaient à
l’unisson. Le sujet principal des conversations ? Le pardon, et plus
particulièrement, celui donné par les familles des victimes au terroriste, même
après que celui-ci ait tué les leurs. Pour certains, c’était une belle chose.
Pour d’autres, cela les choquait.
D’un côté, c’est le
genre de réaction que la plupart espéreraient avoir devant le mal. Mais en même
temps, la plupart de ceux qui m’en ont parlé m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas
s’imaginer qu’ils puissent pardonner une telle horreur. Certains allaient jusqu’à se demander si c’était vraiment juste. Après tout, selon eux, il s’agit
d’un meurtrier qui devrait être traduit en justice.
La tension entre ces
deux points de vue ne doit pas nous surprendre. Elle touche à la raison même
pourquoi l’évangile est une bonne nouvelle. Pour nous, trop souvent, pardonner
veut dire autre chose que ce que la Bible en dit.
Pardonner ne veut pas
dire que l’on ne s’était pas compris et que maintenant, on se comprend. Si tout
ce que nous avons comme problème est un manque de communiquer, on n’a pas
besoin du pardon. Pardonner ne veut pas dire que tout ce qui s’est passé est
arrangé. Pardonner ne veut pas dire qu’il n’y aura donc pas de conséquences au
mal qui a été fait. Le pardon au sens chrétien n’est pas opposé à la justice.
Pourquoi ? Parce
que nous apprenons le sens du pardon par le pardon que nous avons reçu. Ce
pardon-là n’est pas une amnistie cosmique. La compassion et la justice de Dieu
se rencontrent dans la croix du Christ. Quand Dieu nous pardonne, cela ne veut
pas dire que donc sa justice est au chômage. Non, Dieu nous regarde comme en
Christ qui a pris sur lui et à notre
place le châtiment dû pour nos péchés (Romains 3.21-26). Ce n’est pas que nous
recevons un carton de libre passage, en court-circuitant l’enfer. C’est que, en
Christ, nous avons déjà été en enfer – et, en Christ, nous avons été ressuscités
des morts et nous avons reçu une place à la droite de Dieu.
Lors de l’arrestation de
Jésus (Matthieu 26.47-54), le Seigneur a dit à Pierre de ranger son épée. Non
pas parce que Jésus ne croyait pas dans la punition des méchants – il suffit de
lire les derniers chapitres de l’Apocalypse ! Jésus dit à Pierre qu’il
pourrait avoir une armée gigantesque de guerriers angéliques à son côté – et un
jour, ce sera le cas. Non, ce qu’il voulait faire comprendre à Pierre était qu’une
telle justice n’était pas du ressort de Pierre. Et c’est là le point important.
Les familles des
victimes ne disent pas que le terroriste devrait échapper au châtiment. Pour l’Etat
de permettre cela serait en soi un acte immoral (Proverbes 17.15 : L’Eternel a également en horreur celui qui
acquitte le coupable et celui qui condamne l’innocent). Le rôle de l’Etat
est d’appliquer la justice, et non la compassion évangélique, du fait même que
ce n’est pas l’Etat qui a été crucifié pour les pécheurs. Il est de sa
responsabilité de maintenir la justice en punissant les méchants (Romains
13.4).
Lorsque nous pardonnons,
que ce soit après un attentat terrible comme ce qui vient de se passer à
Charleston ou suite aux mille et un façons que nous avons été blessés, nous ne
disons pas qu’il n’y a pas de place pour la vengeance. Nous disons que la
vengeance appartient à Dieu et non pas à nous (Romains 12.19). Nous n’avons pas
besoin d’exiger la justice de celui qui a péché contre nous, parce que nous
savons que Dieu jugera chaque péché, soit au Jugement dernier, soit, et c’est ce
que nous voudrions espérer, à la croix si le coupable se rend à celui qui “a
apaisé la colère de Dieu contre nous en s’offrant pour nos péchés et pas
seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier.” (1Jean 2.2)
Ce genre de pardon nous
libère pour travailler ensemble en faveur de la justice, y compris la justice
contre les meurtriers et les terroristes, parce que ces questions demeurent des
questions de la justice publique, et non pas de la vengeance personnelle. Mais,
et c’est plus important, un tel pardon nous empêche de devenir l’esclave de
celui qui nous a fait du tort. Nous n’avons pas besoin d’accumuler de l’amertume,
ni de conserver un registre des torts, ni de rêver de manières à nous venger.
Lorsque nous pardonnons,
nous ne regardons pas ailleurs. Nous n’excusons pas le mal. Nous ne disons pas
que, maintenant, tout est “OK”. Bien au contraire, nous confessons que le
jugement viendra et que nous pouvons faire confiance en celui qui juge mieux
que nous puissions le faire en nous faisant confiance à nous-mêmes.
Russell Moore
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