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Lettre
ouverte à Richard Miller
Cher Monsieur Miller,
C’est avec intérêt que j’ai pris
connaissance de votre proposition d’introduire dans la Constitution “que la loi civile
prime la loi religieuse”. Pour vous, selon l’Echo [1]
qui le rapportait, il est
important de comprendre que “nous évoluons dans un pays où la croyance
religieuse ne dicte pas la loi, ceci avec tout le respect que j’ai pour les
convictions et les engagements religieux”.
Vous comprendrez qu’en tant que pasteur,
cela m’intrigue et me pousse à poser certaines questions. Je vous accorde sans
problème que la croyance religieuse ne devrait pas dicter la loi civile. Les
Protestants ont payé assez cher cette confusion de par le passé pour ne pas en
être convaincus. Cependant, j’aurais été heureux d’avoir eu un peu plus de
précision.
Par exemple, où commence la loi
religieuse ? Inclut-elle toutes les religions dans notre pays ?
L’autre matin, à la RTBF, on a pu entendre le Grand Maître du Grand Orient de
Belgique. La franc-maçonnerie, est-elle incluse dans votre proposition ?
Après tout, elle présente bien un phénomène religieux avec ses symboles, ses
temples et ses “frères et sœurs”. Au 19me siècle, la politique était
préparée dans les loges. A-t-on résisté à la tentation depuis ? Dans l’émission,
on a pu entendre que les grandes questions éthiques, comme l’avortement, ont
aussi été au programme de loges. Vous croyez vraiment que ce fut seulement un
gentil bavardage autour d’une tasse de thé ? N’est-ce pas un fait flagrant
de la croyance religieuse qui dicte la loi civile ?
Qu’en est-il du culte laïc ? Vous
savez aussi bien que moi que la laïcité fait partie des cultes rémunérés en
Belgique. Il n’est pas besoin d’être initié pour comprendre qu’elle joue un
rôle pesant dans la transformation de la loi civile. Peut-être même que votre
proposition se confond avec le positionnement de ce culte ? Je l’écris,
vous vous en doutez, “avec tout le respect que j’ai pour les convictions et les
engagements religieux”.
Qu’en est-il de la Charia ? Votre proposition
vise-t-elle la lente pénétration de la Charia dans le domaine public ? La
croissance rapide de la communauté musulmane fait craindre à beaucoup de nos
concitoyens le pire. Combien de prisons du royaume subissent déjà
l’incrustation de cette loi ? Votre proposition s’inscrit-elle contre
cela ? Que la question est urgente se lit sans peine dans les chiffres
suivants : En Allemagne, 47% et en Suède 52% des Musulmans croient que la Charia est plus importante que la loi nationale. [2]
Chez nous, ces chiffres seraient-ils si différents ?
Et les Protestants ? Il se fait que
les Protestants n’ont pas de loi imposée par leur religion. Il n’y a pas non
plus de structure qui puisse imposer une telle loi, même si elle devait
exister. Oui, mais qu’en est-il de la Bible ? Soulignons qu’elle prescrit
expressément d’être soumis aux autorités publiques. Elle ne connaît qu’une
seule limite réelle à cette soumission, exprimée par les apôtres dans la
question suivante : “Est-il juste devant Dieu de vous obéir, plutôt qu’à Dieu ?”
(Actes des apôtres 4.19) Cela ne sert pas d’échappatoire facile pour s’opposer
au gouvernement. A plusieurs reprises, des Protestants ont préféré fuir leur
pays pour retrouver la liberté de croire ailleurs, plutôt que de s’inscrire
dans une résistance armée contre les autorités.
Un exemple pratique pour éclairer ces
choses. Un grand nombre de Protestants ont de réels problèmes avec les
changements récents de ce que j’appellerai la loi morale. Je parle des
changements récents dans des questions comme l’avortement. Le vrai problème, il
me semble, se situe plutôt chez ces groupements religieux qui ont tout fait depuis 40 ans pour saper la
loi civile en vue de la changer. J’écris ‘religieux’, mais c’est de
l’antireligion dans son sens le plus sombre qu’il s’agit. Et vous voudriez
exiger la primauté de cette loi civile réaménagée ?
Qu’allez-vous faire de ces croyants qui
préfèrent mourir – je pèse mes mots – plutôt que de se plier à des lois en
flagrante contradiction avec leur conscience éclairée par la Parole de
Dieu ?
La mort de William Tyndale à Vilvorde pour avoir traduit et distribué la Bible |
Ce qui soulève la question des sanctions
sans lesquelles une telle loi n’aurait de sens. Que proposez-vous quand des
églises préféreront respecter la Parole de Dieu plutôt que les autorités
publiques là où ces autorités outrepassent le cadre de la loi civile pour
s’aventurer dans celui de la loi morale ? Allez-vous fermer ces églises et
réintroduire la persécution religieuse ? Les mettre à l’amende ? Créer
des camps de rééducation comme dans les pays communistes d’un passé encore bien
trop récent ?
Est-il vraiment besoin de réveiller les
vieux fantômes qui ont hanté notre pays autrefois ? Il faut sans doute
légiférer là où le désordre menace de porter atteinte à l’intégrité de l’Etat,
mais, de grâce, sans risquer de déclencher une croisade laïque contre ceux qui
vivent paisiblement leur foi. J’imagine que vous êtes un homme qui aime la
liberté. S’il vous plaît, laissez-nous vivre la nôtre !
Cher Monsieur Miller, merci pour votre
attention et pour la franchise de votre propos. J’ai essayé d’y répondre avec
une franchise comparable.
Et si on rouvrait le débat
sur la laïcité de l'Etat?
© BELGA
Les libéraux francophones et
néerlandophones souhaitent relancer les travaux sur les valeurs fondamentales
de la société. Richard Miller (MR) va jusqu'à vouloir introduire dans la
Constitution que la loi civile prime la loi religieuse.
Le chef de groupe Open VLD à la
Chambre, Patrick Dewael, a écrit au "collège des présidents de la
Chambre". Il souhaite relancer les travaux "sur le caractère de
l'Etat et les valeurs fondamentales de notre société". Le
sujet était à l'ordre du jour du groupe de travail parlementaire qu'il
présidait avant que les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles ne viennent
bousculer l'agenda des députés, lit-on dans "Le Soir".
La demande est soutenue par le MR
Richard Miller. Il propose d'inscrire dans un préambule à la
Constitution: "La Loi civile prime sur la loi religieuse".
Il imagine un préambule constitutionnel rédigé "en plusieurs langues, pas
seulement les langues nationales", prônant une série de principes
fondamentaux comme la liberté d'expression, l'égalité hommes-femmes, le respect
du droit du travail, ou encore la liberté d'enseignement.
Pour Richard Miller, il est
important de comprendre que "nous évoluons dans un pays où la croyance
religieuse ne dicte pas la loi, ceci avec tout le respect que j'ai pour les
convictions et les engagements religieux".
Les états-majors des partis
aviseront dans les prochains jours, quand ils auront pris connaissance de la
proposition en bonne et due forme. Mais quelles sont les chances de voir
cette proposition aboutir?
→ Les socialistes se montrent
favorables à l'introduction de la laïcité de l'Etat.
→ Même positionnement au sein de DeFi.
→ Dans le chef des verts, on se dit ouvert à la discussion mais ils craignent un feu de paille qui ne règle pas les problèmes plus profonds de la société.
→ Le cdH se déclare ouvert à une révision de la Constitution sur ce thème.
→ On note plus de réticences en Flandre et principalement dans le chef du CD&V là où la N-VA avance avec prudence.
→ Même positionnement au sein de DeFi.
→ Dans le chef des verts, on se dit ouvert à la discussion mais ils craignent un feu de paille qui ne règle pas les problèmes plus profonds de la société.
→ Le cdH se déclare ouvert à une révision de la Constitution sur ce thème.
→ On note plus de réticences en Flandre et principalement dans le chef du CD&V là où la N-VA avance avec prudence.
Source: Belga,
L'Echo
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