Beaucoup de domaines sont infectés par ce
phénomène. Mais le conflit israélo-palestinien est particulièrement pollué par
les Fake Truth. Nos média y acceptent pour évangile ce qu’ils rejettent partout
ailleurs. Le terrorisme, par exemple, est combattu très généralement, comme il
se doit, sauf quand il s’agit de terrorisme palestinien. Là, le dogme religieux
d’une laïcité impérialiste a dicté une autre lecture des événements, une Fake
Truth.
Voici
un article écrit par un Arabe israélien. Par quelqu’un de l’intérieur donc. Le
fait qu’il travaille pour l’Etat israélien le disqualifie bien sûr aux yeux des
bons semeurs de la Fake Truth. Mais pour ceux qui veulent vraiment savoir ce
qui se passe, que ce témoignage puisse leur ouvrir une autre perspective.
La cause palestinienne vue par un diplomate arabe israélien
Vice-ambassadeur
d’Israël à Oslo et Arabe israélien, il partage son point de vue sur la question
palestinienne.
Par George Deek
Quand je me
promène dans les rues de ma ville natale, Jaffa, je me souviens de l’année
1948. Les allées de la Vieille Ville, les maisons du quartier d’Ajami, les
filets de pêche au port - tout semble raconter différentes histoires sur l’année
qui a changé ma cité pour toujours.
Une de ces
histoires concerne l’une des plus anciennes familles de cette cité - la famille
Deek - la mienne. Avant 1948, mon grand-père George, dont j’ai hérité le nom,
travaillait comme électricien, dans la Compagnie d’électricité Rotenberg. Il ne
s’intéressait pas beaucoup à la politique. Et comme Jaffa était une ville
mixte, il avait naturellement des amis juifs. En fait, ses amis, à la compagnie
d’électricité, lui parlaient même en Yiddish, faisant de lui le premier Arabe
ayant jamais parlé cette langue.
En 1947, il
se fiança à Vera - ma grand-mère, et ensemble, ils firent des plans pour fonder
une famille dans la ville même où la famille Deek vivait depuis environ 400 ans
- Jaffa. Mais quelques mois après, ces plans furent modifiés, littéralement, du
jour au lendemain. Quand l’ONU approuva l’établissement d’Israël, et que l’État
d’Israël fut créé quelques mois plus tard, les dirigeants arabes avertirent les
Arabes que les Juifs se préparaient à les tuer s’ils restaient chez eux, et se
servirent du massacre de Deir Yassim comme exemple. Ils disaient à tout le
monde : “Quittez vos maisons et fuyez”. Ils ajoutaient qu’il leur
suffirait d’à peine quelques jours pour que leurs cinq armées réunies
détruisent le nouvel Etat d’Israël.
Ma famille,
horrifiée par ce qui pouvait arriver, décida de s’enfuir, avec beaucoup d’autres.
Un prêtre s’était précipité dans la maison de la famille Deek, et se hâta d’y
marier George et Vera, mes grands-parents. Ma grand-mère n’eut même pas le
temps d’enfiler une tenue appropriée. Après ce mariage express, toute la
famille fila au nord en direction du Liban.
Mais quand
la guerre fut terminée, les Arabes n’avaient pas réussi à détruire Israël. Ma
famille se trouvait de l’autre côté de la frontière. Le destin avait
semble-t-il voulu que les membres de la famille Deek se dispersent aux quatre
coins du globe. Aujourd’hui, j’ai de la famille en Jordanie, en Syrie, au
Liban, à Dubaï, en Angleterre, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, et
ailleurs encore.
L’histoire
de ma famille n’est qu’une histoire - et probablement pas la pire - parmi
toutes les histoires tragiques de l’année 1948. Et pour être tout à fait franc,
il n’est pas nécessaire d’être anti-israélien pour reconnaitre la désastreuse
humiliation des Palestiniens en 1948, qu’on nomme la Nakba.
Le fait que
je communique par Skype avec des parents au Canada qui ne parlent pas l’arabe,
ou à un cousin dans un pays arabe qui n’a pas encore la citoyenneté du pays,
bien qu’il appartienne à la troisième génération, est un témoignage vivant des
conséquences tragiques de la guerre.
Un déplacement global
D’après l’ONU,
711.000 Palestiniens furent déplacés, les uns ayant fui, les autres ayant été
expulsés de force. Au même moment, à cause de la création d’Israël, 800.000
Juifs furent forcés de quitter le monde arabe, le vidant quasiment de sa
population juive.
Comme nous l’avons
déjà entendu, les atrocités n’épargnèrent aucun des deux camps. Mais il semble
que ce conflit ne fut pas le seul au cours du 19ème et du 20ème siècle, qui
aboutit à des expulsions et à des transferts.
· De 1821 à
1922, 5 millions de Musulmans furent expulsés d’Europe, en majorité vers la
Turquie.
· Dans les
années 1990, la Yougoslavie explosa, faisant près de 100 000 morts et environ 3
millions de personnes déplacées
· De 1919 à
1949, pendant l’opération Visa entre la Pologne et l’Ukraine, 100.000 personnes
trouvèrent la mort et 1,5 million furent déplacées.
· Après la 2ème
guerre mondiale et la convention de Postdam, entre 12 et 17 millions d’Allemands
furent déplacés.
·
A la création de l’Inde et du Pakistan, environ 15
millions de personnes furent transférées.
Cette
tendance existe aussi au Moyen Orient, par exemple le déplacement de 1,1
million de Kurdes par les Ottomans, 2,2 millions de Chrétiens expulsés d’Irak.
Et à l’heure actuelle, des Yazidis, Bahai, Kurdes, Chrétiens et même Musulmans
sont assassinés, et expulsés à raison de 1000 par mois, suivant la progression
de l’Islam radical.
Les chances
de l’un ou l’autre de ces groupes de revenir chez eux, sont quasiment nulles.
La manipulation de la Nakba
Alors
comment se fait-il que les tragédies des Serbes, des Musulmans d’Europe, des réfugiés
polonais ou des Chrétiens d’Irak ne soient pas commémorées ?
Comment se
fait-il que le déplacement des Juifs du monde arabe soit tombé dans l’oubli,
tandis que la tragédie des Palestiniens, la Nakba, est toujours vivante dans la
politique actuelle ? Il me semble qu’il en est ainsi, parce que la Nakba a
été transformée d’un désastre humanitaire en une offensive politique. La
commémoration de la Nakba n’est plus le souvenir de ce qui est arrivé mais le
ressentiment envers seulement l’existence de l’Etat d’Israël.
Cela est
démontré très clairement dans le choix de la date de commémoration. La date de
la Nakba n’est ni le 9 avril, jour du massacre de Deir Yassin, ni le 13, de l’expulsion
de Lod. Aux yeux des dirigeants palestiniens, le désastre fut la création d’Israël.
La Nakba a été fixée au 15 mai, le lendemain du jour où Israël a proclamé son
indépendance. Par cela, les dirigeants palestiniens ont déclaré que le désastre
de la Nakba n’était pas l’expulsion, la désertion des villages, ou l’exil - à
leurs yeux, la Nakba n’est autre que la création d’Israël.
Ils sont
moins affectés par la catastrophe humanitaire qui s’est abattue sur les
Palestiniens, que par la renaissance de l’Etat juif. Autrement dit, ils ne
souffrent pas du fait que mes cousins soient Jordaniens, ils souffrent du fait
que je sois Israélien ! En agissant ainsi, les Palestiniens sont devenus
esclaves de leur passé, retenus captifs par les chaînes du ressentiment,
prisonniers d’un monde de frustration et de haine.
L’héritage de mon professeur de musique
Mais, chers
amis, la pure vérité est que, pour ne pas être réduits à la tristesse et à l’aigreur,
nous devons regarder de l’avant. Pour le dire plus clairement, pour réparer le
passé, il faut d’abord assurer le futur.
C’est une
leçon que j’ai apprise de mon professeur de musique, Avraham Nov. Quand
j’avais 7 ans, j’ai rejoint l’orchestre ambulant de la communauté
arabo-chrétienne de Jaffa. C’est là que j’ai rencontré Avraham, mon professeur
de musique, qui m’a appris à jouer de la flûte puis de la clarinette. Avraham
est un survivant de la Shoah, et toute sa famille fut assassinée par les Nazis.
Il est le seul qui ait réussi à survivre, parce qu’un officier nazi avait
remarqué ses dons pour l’harmonica et l’avait recueilli chez lui pendant la
guerre pour distraire ses invités.
A la fin de
la guerre, Avraham se retrouva tout seul. Il aurait pu s’assoir dans son coin
et pleurer tout son soûl contre ce plus grand crime humanitaire que toute l’histoire
ait connu, et sur le fait qu’il était désormais tout seul. Mais il ne fit rien
de tout cela, il regarda vers l’avant, et non vers l’arrière.
Il choisit
la vie, et non la mort. L’espoir, plutôt que le désespoir.
Avraham
arriva en Israël, se maria, fonda une famille, et commença à enseigner ce qui
lui avait sauvé la vie - la musique. Il devint le professeur de musique de
centaines et de milliers d’enfants dans toute la région. Et quand il vit la
tension entre Arabes et Juifs, ce survivant de la Shoah décida d’enseigner l’espoir
à travers la musique, à des centaines d’enfants arabes comme moi.
Les
survivants de la Shoah comme Avraham sont parmi les gens les plus
extraordinaires que vous puissiez trouver. J’ai toujours été curieux de
comprendre comment ils étaient capables de survivre, sachant ce qu’ils avaient
connu et ce qu’ils avaient vu. Mais pendant les 15 ans ou j’ai été son élève,
il ne m’a jamais parlé de son passé - hormis une fois - quand j’ai exigé de
savoir.
Ce que j’ai
découvert alors, c’est qu’Avraham n’était pas le seul, et que beaucoup de
survivants de la Shoah ne parlèrent pas de ces années, pas même à leur famille,
parfois pendant des dizaines d’années ou même durant toute leur vie. Ce n’est
que lorsqu’ils eurent assuré leur futur qu’ils se permirent de regarder en
arrière vers le passé... que quand ils eurent forgé un temps d’espoir qu’ils se
permirent de se remémorer les jours du désespoir.
Ils bâtirent
le futur dans leur ancienne-nouvelle maison, l’Etat d’Israël. Et à l’ombre de
cette immense tragédie, les Juifs furent capables de bâtir un pays à l’avant-garde
du monde dans les domaines de la médecine, l’agriculture et la technologie.
Pourquoi ? Parce qu’ils regardent de l’avant. [...]
D’après un discours prononcé à Oslo, le 27
septembre 2014
Traduit de l’anglais par Sr Isabelle Gelain
Source :
https://mail.google.com/mail/u/0/?hl=fr&shva=1#inbox/1628b0c389a0cbdb
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