Critiqué par le Premier ministre, mis
en garde par le ministre de la Santé, remis en question sur les plateaux TV, le
professeur Didier Raoult a dégainé son argumentaire devant le Sénat le 7 mai
dernier en visioconférence.
Les questions des sénateurs furent
factuelles, précises, acérées. Les réponses de Didier Raoult sont à la hauteur.
Il réplique coup pour coup et précise ses attaques, sur le fond, avec les mêmes
arguments qu’il défend depuis le début de la crise ou plus récemment
dans son interview à Paris Match du 9 mai, mais sur la forme avec plus de
combativité et de vélocité.
Dans un document de synthèse qui circule, produit
par Didier Raoult, les réponses au questionnaire d’un groupe d’élus membre de
la commission des Affaires sociales du Sénat et que nous publions ci-dessous, il remet en cause globalement l’approche du gouvernement et
pointe des responsabilités lourdes des décideurs politiques et médicaux. La
pensée raoultienne en 10 citations.
1. Le conseil scientifique n’est pas au
niveau
Sur le Conseil scientifique, il réitère sa grande
défiance arguant du mauvais niveau des membres (par rapport à lui C.Q.F.D.) « Je refuse de débattre avec des gens ayant un niveau de
connaissance trop bas » réaffirme-t-il dans Match. Mais
surtout, il attaque sa consanguinité avec uniquement l’Inserm et l’Institut
Pasteur au board, des infectiologues d’abord mais surtout, « ce groupe évolue dans un écosystème commun avec les
directions locales de l’industrie pharmaceutique. »
2. Il faut tester tout de suite le
maximum de personne
« Dans une situation épidémique
qui débute, il faut tester tout de suite le maximum de personne. Ceci n’a pas
été réalisé, en particulier parce que pendant un certain temps, les Centres
nationaux de référence (tous les deux présents au Conseil scientifique)
considéraient que les tests diagnostiques étaient une difficulté particulière,
(ce qui ne correspond pas à̀ la réalité), et qu’eux seuls pouvaient les faire.»
3. Le paracétamol avant l’insuffisance
respiratoire : une décision extrêmement dangereuse
« L’idée de proposer,
officiellement, aux patients de ne pas chercher de soins avant de sentir des
difficultés respiratoires, a été une décision extrêmement dangereuse :
chez les patients qui ne présentaient que pas, ou peu de symptômes, et pas de
difficultés respiratoires (dyspnée), 65 % d’entre eux avaient des lésions
au scanner.
De mon point de vue, il y a tentative de
monopolisation de la connaissance dans ce que cette crise a permis de révéler,
et qui ne correspond pas à la réalité analysable. Quant aux recommandations, il
paraît difficile, de mon point de vue, de dire aux gens qui sont malades de ne
pas venir se faire tester, ni soigner, et de dire aux patients que la seule
thérapeutique acceptable est le Doliprane jusqu’au moment où ils présenteront
une insuffisance respiratoire. »
4. La bonne méthode pour découvrir
des choses inattendues
« Tout commence toujours
dans les maladies nouvelles par de l’observation anecdotique, ensuite par des séries observationnelles qui permettent de cerner
les questions basées sur l’observation initiale. Le fait d’imaginer que l’on
puisse, en utilisant des méthodes traditionnelles se doter des capacités
d’observations est juste un fantasme là aussi lié au fait que la plupart des
gens qui sont en situation d’avoir une opinion sur cette situation se trompent
de guerre. Dans les maladies nouvelles, les initiatives individuelles, les
observations sont essentielles, c’est ce que les Anglais appellent l’abduction,
c’est-à-dire la capacité de découvrir des choses qui sont inattendues et qui
ont été extrêmement communes dans cette maladie.»
5. La chloroquine : émotion, délire,
manipulation de l’opinion
« Il est à noter, qu’à cette occasion, j’ai pu
observer un délire, qui est le plus stupéfiant sur le plan médicamenteux, de
toute ma carrière, pourtant longue, sur le danger extrême de l’utilisation de
l’hydroxychloroquine et de la chloroquine. Ces médicaments sont prescrits
depuis 80 ans, il est probable qu’au moins 1/3 de la population a eu l’occasion
d’en manger. En France, la CNAM rapporte que 36 millions de comprimés de
Plaquenil 200 mg ont été́ distribués en 2019. L’émotion formidable, sur
les risques de la chloroquine et l’hydroxy-chloroquine, témoigne
d’une absence complète de contrôle de l’information raisonnée, basée sur la
bibliographie, et non pas sur les émotions des uns et des autres, voire la manipulation
de l’opinion et je mesure mes termes. Par définition, le directeur de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des
produit de santé), en est responsable. » (N.D.L.R. Le docteur en psychiatrie, Dominique
Martin)
6. Conflits d’intérêts et
« scientific misconduct »
Didier Raoult avait déjà dénoncé les conflits
d’intérêts des autorités médicales en particulier avec le laboratoire américain
Gilead.
« Ce qui est inquiétant, est que
l’équipe conseillère du Conseil scientifique, qui rapporte des données sur le Remdesivir
ou sur l’hydroxychloroquine, au mieux sont maladroites, ou pire, sont
manipulées ». (…) « Il existe un problème très fondamental de
conflits d’intérêts concernant la médecine dans ce pays, il paraît difficile
d’être à la fois le bénéficiaire de financement massif et de se prononcer
raisonnablement sur des choix thérapeutiques qui concernent les médicaments
d’un industriel qui les produit. » Didier Raoult a même
fait établir une courbe comparée des interventions contre la Chloroquine et du
cours de Bourse Gilead ! (9 milliards de dollars d’action ont été́
échangés pendant la période du COVID 19 pour l’action Gilead). Derrière les
murs de labos la bataille est sans merci : « Des dénonceurs
professionnels m’ont fait harceler, pour me faire rétracter des publications ».
Pour donner l’exemple, l’IHU publie en fin de
rapport un compte rendu chiffré de tous les contrats, conventions et dons des
industries pharmaceutiques faits à la Fondation.
7. Le ministère dans le collimateur
« La position du ministère qui a
consisté, sur les conseils du Haut comité de santé publique actuel, conseillé
par le Professeur Chidiac, d’interdire la prescription d’hydroxychloroquine aux
médecins généralistes. (…) Il existe donc pour des raisons qui sont
mystérieuses et dont je pense que cette commission devrait se préoccuper
sérieusement, d’empêcher l’usage du médicament le plus utilisé au monde pour
traiter le COVID, le plus utilisé au monde par les médecins qui prennent en
charge les COVID. Ce mystère français reste à élucider. Ceci décrédibilise
durablement les décisions de l’État dans une situation de crise quand les
praticiens sont massivement en désaccord avec les autorités et représente un
danger pour l’avenir. »
8. L’essai Discovery biaisé
« L’essai Discovery représente
les conséquences d’un choix initial, qui était d’utiliser le Remdesivir, et
celui-ci ne pouvant être utilisé que dans les formes graves du fait de sa
toxicité. Il ne testait plus la prise en charge des formes au début, ce que je
pense être une erreur grave et une ignorance scientifique coupable sur la
virologie.»
9. Le vaccin : un pari
symbolique ?
« Concernant les vaccins, je ne
suis pas sûr qu’un vaccin, pour une maladie dont on ne sait pas si elle
existera l’année suivante, soit réellement autre chose qu’un pari. Il n’empêche
qu’il faut bien que certains prennent des paris, mais la route est longue. Les
exigences de sécurité, pour un vaccin de cette nature, prennent plusieurs
années, en général.
J’ai la plus grande incompréhension sur les
recommandations vaccinales. Il n’y a aucune homogénéité sur les recommandations
vaccinales en Europe, où il existe 23 programmes de vaccination différents,
aucun rapport entre nos recommandations vaccinales et celles des États-Unis.
Des vaccins extrêmement importants et efficaces comme celui de la varicelle
(plusieurs de centaines de milliers de cas en France, par an), le rotavirus
(plusieurs de centaines de milliers de cas), le papillomavirus, plus l’absence
de mise en place d’une vaccination pour la grippe des enfants (la grippe aura
tué probablement plus d’enfants cette année que le Covid), amène à penser que
la création d’un vaccin, en dehors de son aspect symbolique, ne débouche pas
nécessairement sur un usage. Je pense qu’il est plus urgent d’avoir une
réflexion sur les vaccins existants actuellement, que sur les vaccins pour une
maladie dont on ne sait pas si elle sera encore présente l’année prochaine.»
10. Le Lazaret ou la quarantaine ?
« Les isolements ont été faits
sur un mode de quarantaine et non pas sur un mode de Lazaret, que nous
connaissons bien à Marseille. Nous savons à Marseille, depuis plusieurs
siècles, que le Lazaret (on isole les malades) a un intérêt (comme les avaient
les sanatoriums) mais que la quarantaine (on confine tout le monde) ne
fonctionne pas (elle consiste à enfermer des gens contagieux avec des non
contagieux) et il se passe ce qui s’est passé sur les bateaux comme le Diamond
Princess ou le Charles de Gaulle qui sont des exemples typiques de ce qu’est le
confinement sans test préalable.»
Voir le document
source de 62 pages sur le site.
Ci-après, tiré de ce document, la dernière
question posée :
Les recommandations en matière de port de masques de protection
25. Dans le cadre du déconfinement, quelles
seraient vos recommandations en matière de port de masques de protection,
notamment en population générale ? Doit-on envisager un port obligatoire des
masques « alternatifs » e tissu pour
tous, y compris en dehors des transports en commun ?
Concernant les masques, la question se pose de multiples
façons. Sur le plan virologique, le port d’un masque dans la rue n’a
probablement pas d’effet protecteur. Il a des effets protecteurs à moins de 30
ou 40 cm d’une personne infectée, et qui tousse. Sur le plan des sciences sociales, les choses sont plus complexes et
je ne sais pas vraiment les juger. Il est clair que de porter un masque change
l’aspect de la circulation, et attire l’attention sur le risque de
contagiosité, empêche probablement les rapports sociaux trop proches, et joue
peut être un rôle. Dans ce sens, la recommandation gouvernementale actuelle,
qui apparaît un peu comme du laisser-faire, me paraît-elle relativement
raisonnable, compte tenu du fait que, si même une seule partie de la population
porte des masques, ce rappel du risque épidémique sera peut être suffisant pour
empêcher de reprendre des rapports sociaux trop proximaux.
En conclusion, notre expérience comme celle des pays qui ont eu une
politique rationnelle, n’ont pas été conseillés par des scientifiques ayant
l’expérience des épisodes épidémiques et n’ayant aucun conflit d’intérêt, n’ont
pas été sélectionnés parmi ceux investis dans contre la dernière guerre contre
les microbes qui étaient le SIDA. Ils ont réalisé la même politique : de très
nombreux dépistages, isolement des patients par hospitalisation ou dans des
hôtels libérés (comme en Israël). Eventuellement, confinement de quartiers ou
de zones présentant de nombreux cas et dans la plupart des pays, traitement à
base soit de chloroquine soit de tous les produits existants comme cela a
souvent le cas en Chine où les recommandations ont été d’utiliser tous les
antiviraux disponibles en essayant de ne pas dépasser 3 à la fois. Cette
attitude de base qui est l’attitude médicale a amené tous les pays qui avaient
mis en place cette stratégie à avoir une mortalité très faible. Le paradoxe
apparemment dans notre situation comme
celle des pays européens et des Etats Unis, est que les pays les plus riches
ont eu la mortalité la plus forte car ils sont restés désarmés devant cette
épidémie. La multiplication des tests est arrivée très tardivement. Nous sommes
actuellement à la fin de l’épidémie. Les isolements ont été faits sur un mode
de quarantaine et non pas sur un mode de Lazaret, que nous connaissons bien à
Marseille. Nous savons à Marseille, depuis plusieurs siècles, que le Lazaret (on
isole les malades) a un intérêt (comme les avaient les sanatoriums) mais que la
quarantaine (on confine tout le monde) ne fonctionne pas (elle consiste à
enfermer des gens contagieux avec des non contagieux) et il se passe ce qui
s’est passé sur les bateaux comme le Diamond Princess ou le Charles de Gaulle
qui sont des exemples typiques de ce qu’est le confinement sans test préalable.
Le bilan de cette maladie qui pourtant n’est pas extrêmement contagieuse comme ceci a été dit (peut-être 3 à 4% de la
population a été touchée, ici comme dans toutes
les zones dans lesquelles cela a
sévi), la mortalité est, ou devrait être relativement faible quand il y a une
prise en charge raisonnable. Elle est aux alentours de 1-2% dans la plupart des
pays qui ont accepté de prendre des mesures efficaces contre les maladies
infectieuses, et au total, fait de se retrouver avec les grands pays
européens dans une situation où la mortalité a atteint des degrés de
cette nature sans que ceci soit directement lié à l’âge ni à l’obésité de la
population générale (qui sont des facteurs indépendants de la mortalité dans
l’étude que nous sommes en train de faire), basée sur Health at Glance OCDE
2019. Au total, je pense que cette crise devra à l’avenir, interroger le pays
sur le choix de ses experts se basant moins sur des réseaux ou des habitudes
que sur des données vérifiables, ce que j’avais déjà écrit en 2003 dans mon
rapport. Deuxièmement, se préoccuper très sérieusement des conflits d’intérêts,
en particulier maintenant que c’est devenu si facile comme je le conseillais
aussi dans mon rapport de 2003 et je conseille de réaliser des Infectiopôles
pour mailler le pays, de 6 ou 7 instituts et pas seulement 1 à Marseille comme
je le recommandais déjà dans mon rapport de 2003.