Comment
est-il possible que tout régime haineux trouve des hommes et des femmes pour
exécuter sa sale besogne ? Comment est-il possible que des soldats perdent
toute conscience pour obéir aux ordres sans se poser des questions ? Des
soldats romains qui tuèrent les enfants de Bethléhem jusqu’aux soldats de
Videla en Argentine qui arrachèrent les enfants à leurs parents pour ensuite
liquider les parents, des soldats allemands qui pouvaient jouer du Mozart pour
ensuite faire la chasse aux Juifs jusqu’aux soldats modernes, de blanc vêtus, qui
arrachent les bébés aux ventres de leurs mères.
L’uniforme
sied si bien et va pourtant si mal aux hommes. Dès qu’il revêt l’uniforme, l’homme semble
sacrifier sa conscience individuelle à une conscience commune soumise à l’idéologie
du jour. Lui qui est si multiforme par nature devient uniforme et, osons le
dire, laid. Même devant les pires atrocités il semble devenu incapable de
reculer. Il agit sous ordres. Se rebeller ? Cela coûte trop cher. Il
pourrait y perdre son gagne-pain, son “honneur”, voire sa vie. Il est donc
devenu esclave, la plupart du temps par son libre choix. Car même lorsqu’il a
été enrôlé, il peut encore dire non. On peut toujours dire non. Mais on ne peut
pas toujours survivre au non.
L’uniforme n’est
pas seulement extérieur. Il est même essentiellement intérieur. On choisit d’aliéner
sa conscience en acceptant qu’une idéologie façonne son âme. Et après ? Le
pas qui conduit de cette acceptation jusqu’au mépris de ceux qui pensent
autrement est étonnamment petit. Et quand toute une société devient ainsi philosophiquement,
culturellement, uniforme, le brasier est prêt à être allumé. Le régime trouvera
ses exécutants parce que ceux-ci ont déjà capitulé. Ils ont été éduqués,
manipulés, drillés pour être débité en exemplaires uniformes. De là à accepter
l’horreur, il ne manque plus que la première fois. C’est souvent le moment du
choix final. Mais, en général, on n’a plus les tripes pour en faire grand cas.
Après, la cautérisation de la conscience est une question de temps et d’habitude.
Parmi les
idéologies qui abrutissent on peut mentionner le communisme, le capitalisme, le
national-socialisme, le patriotisme et l’hédonisme. On doit sans doute y
ajouter les religions quand elles se muent en idéologie, comme le Catholicisme
d’un passé à peine révolu ou l’Islamisme actuel. Leur influence et le chemin de
leur inculturation ont été décrits avec lucidité par David Breese :
Il est fascinant d’étudier les moyens par lesquels une personne est
capable d’en conduire beaucoup d’autres. Ce genre de contrôle s’explique
toujours par l’influence de la pensée. Tout dirigeant, peu importe ses armes ou
sa richesse, est obligé d’exercer son contrôle par d’autres moyens. Il doit
conduire par la persuasion, qui est l’arme ultime par laquelle on peut
effectuer et maintenir son influence sur une culture donnée. Le dirigeant
vraiment puissant doit influencer la pensée des gens.
Dans ce but, il doit générer dans la pensée des autres quelque chose de
bien plus forte et contraignante que ce que nous avons l’habitude d’appeler une
idée. Cette “chose” qu’il doit générer dans la pensée des autres existe
réellement sous la forme d’une construction mentale. C’est une image qu’on
implante dans la pensée d’autrui qui a le pouvoir de devenir un objet de
préoccupation, ensuite de concentration et ensuite—oserons-nous le
dire—d’adoration. Il faut produire dans la pensée de ceux qu’on veut influencer
un genre de petit dieu. Ce dieu de la pensée est une “vraie chose”, implantée
dans la mentalité de gens qui ne se doutent de rien. Cette “vraie chose” peut ressembler
extérieurement à Marx, Lénine ou Freud, mais, en réalité, c’est une chose
indépendante. Au-delà des limites d’une personnalité ordinaire, elle prend les
allures d’une divinité. C’est peut-être la raison qu’une des interdictions les
plus fermes de la Bible se trouve dans l’ordre suivant : “Tu n’auras pas
d’autres dieux devant moi.”
[…] Des hommes qui gouvernent le monde à partir de leurs tombes
continuent à nous marquer de leurs philosophies. Nous n’avons pas la
présomption de les appeler “d’autres dieux”, mais nous ne pouvons nous empêcher
de noter que la révérence qu’on a devant eux dépasse de loin ce que mérite un
être humain. On les appelle “ceux qui ont transformé le monde”, “de grands
penseurs”, “des hommes aux concepts sublimes”, “des hommes imprégnés du divin”,
“des créateurs”, “les gardiens du futur” et autres noms semblables. Certains
sont allés au point de répudier tout prédécesseur, en engendrant “une nouvelle
école de la pensée” et même, “une nouvelle humanité”. Parmi eux, il y en a sept
qui ont ouvert le chemin d’une nouvelle façon de penser qui a profondément
influencé les générations suivantes. On
peut les appeler les pères d’un nouveau “Zeitgeist”, d’un nouvel esprit du
temps. Ils se sont glissés dans la pensée et même dans les imaginations (ce qui
est parfois encore plus important) de dizaines de millions de gens en
recherche, tant dans leur époque que dans les générations après eux. [1]
Est-il
possible d’abandonner l’idéologie qui a capturé notre conscience, de se “désuniformiser” ?
Enlever l’uniforme extérieur est de loin le plus facile – et c’est déjà
difficile ! Mais reconnaître l’uniforme intérieur et s’en défaire requiert
un miracle, une conversion, une libération, un séisme spirituel. Puis-je
suggérer qu’il n’y a que le Charpentier de Nazareth capable d’opérer cela dans
le cœur humain ? Pourquoi ? Parce qu’il y faudra la vérité et la
justice et qu’il est le seul à les avoir révélées par sa vie, ses paroles, sa mort
et sa résurrection. Il a dit : “Si vous vous attachez à la Parole que je
vous ai annoncée, vous êtes vraiment mes disciples. Vous connaîtrez la vérité,
et la vérité fera de vous des hommes libres. … Si donc c’est le Fils qui vous
donne la liberté, alors vous serez vraiment des hommes libres.” (Jean
8.31,32,36) Lui seul peut purifier notre conscience salie et enlever notre
culpabilité. Lui seul pardonne, renouvelle et transforme.
PS
Un Chrétien
ne devrait donc pas choisir l’uniforme ? Cf. Chrétiens, et rien d’autre !, sur mon site sous l’onglet Connaître.
[1] Dave Breese, Préface de Seven men who rule the world from
the grave, Chicago: Moody Press, 1990. L’ensemble de la préface se
retrouve sur mon site www.croiretcomprendre.be.
Breese analyse la pensée de sept hommes “qui règnent sur le monde à partir de leur tombe”. Parmi eux, je mentionnerai les cinq suivants :
Breese analyse la pensée de sept hommes “qui règnent sur le monde à partir de leur tombe”. Parmi eux, je mentionnerai les cinq suivants :
- · Charles Darwin, qui a avancé et codifié le principe que l’évolution est le secret derrière l’origine des espèces.
- · Karl Marx, le concepteur et le moteur de la philosophie du Communisme moderne.
- · John Dewey, qui a développé un système éducatif humaniste, centré sur l’expérience et au prix de toute vérité absolue.
- · Sigmund Freud, qui a avancé l’idée que l’instinct sexuel est le moteur derrière toute action humaine.
- · John Maynard Keynes, l’avocat des mesures pour réduire le chômage et pour développer l’économie qu’on retrouve aujourd’hui derrière la politique des déficits budgétaires de nos gouvernements.
Les deux autres sont Julius Wellhausen et Søren
Kierkegaard. On aurait pu y ajouter Friedrich Nietzsche.
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