Un synode national sera finalement convoqué le 13 novembre 1618 à Dordrecht. Il s’achève le 9 mai 1619. Le 14 janvier 1619, les délégués remontrants ou arminiens sont exclus des réunions. Ils n’y étaient pas vraiment des participants égaux, mais plutôt des accusés. Après leur condamnation, ils sont exclus de l’Eglise, 200 pasteurs sont exclus du ministère pastoral et les églises favorables à leurs doctrines sont fermées. Ils sont acculés à l’exil par les autorités politiques et fondent une fraternité remontrante à Anvers. Quatre jours après la fin du synode, le protecteur des arminiens, Oldenbarnevelt, grand pensionnaire de la république (nous dirions premier ministre) et conseiller des princes d’Orange, est décapité à La Haye. On n’échappe pas à l’impression que l’Inquisition était de retour …
Il y a un
enchaînement troublant entre ces 9 et 13 mai 1619. Comme ce fut le cas pour
l’Inquisition catholique, tant avant qu’après, la condamnation par le Synode de
Dordt est suivie par l’exécution d’Oldenbarnevelt. Il a été “livré au bras séculier”, comme
on dit, pour que le politique se salisse les mains et que les pasteurs synodaux
puissent garder les leurs bien propres et lavées.
Peu importe qu’il fut officiellement exécuté pour
trahison … imaginaire : il était, en fait, jugé essentiel d’extirper tout
danger qu’une conviction en désaccord avec le Calvinisme synodal puisse encore lever
sa tête. Alors, on bannit, on interdit, on discrédite, on met au ban et on fait
tuer. Et cela en plein Protestantisme reconnu !
Ce n’était pas un
accident regrettable mais, heureusement, exceptionnel. Cette intolérance grave,
injurieuse, se retrouvait déjà chez Jean Calvin en personne. Non seulement dans
le cas de la condamnation au bûcher de Michel Servet, que Calvin aurait pu
empêcher d’un seul mot; non seulement dans sa guerre sans relâche contre
Sébastien Castellion qui posait le problème du droit à l’opinion personnelle en
matière de foi dans le nouveau régime réformée genevois [1]; mais encore par son opposition sans merci aux Anabaptistes. En
écrivant au roi d’Angleterre, Henry VIII, Calvin recommandait que les
anabaptistes soient brûlés pour servir d’exemple aux autres Anglais. Car,
écrit-il, “il vaut mieux que deux ou trois soient brûlés que ne périssent des
milliers en enfer”. L’une des raisons données pour l’exécution de Michel Servet
en 1553 était son opposition au baptême des enfants. En défendant la décision
de Calvin à l’égard de Servet, Théodore de Bèze écrit : “Il y a peu de
villes de Suisse et d’Allemagne où l’on n’ait fait mourir des anabaptistes et à
bon droit…”[2]
Le but de ces
quelques lignes n’est pas de salir qui que ce soit. Mais le Protestantisme
s’est trop indigné, à raison, contre l’Inquisition catholique pour ne pas
admettre honnêtement que, du moins, le Calvinisme a un passé peu reluisant dans
ce même domaine de l’intolérance et de la persécution religieuse.
J’ignore
si on va célébrer cet anniversaire du Synode de Dordrecht. Puis-je suggérer
qu’il n’y a rien à célébrer, mais qu’il y a plutôt à s’en lamenter, à avoir
honte d’un tel christianisme et, peut-être, à s’en repentir ?
[1]
On connaît de lui cette citation de son Traité
des hérétiques : “Tuer un homme ce n’est pas défendre une
doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne
défendaient pas une doctrine, ils tuaient un être humain : on ne prouve
pas sa foi en brûlant un homme mais en se faisant brûler pour elle”.
[2] Pour les sources, voir mon On n’apprendra plus la guerre, vers un
pacifisme chrétien, à paraître aux éditions
Oasis en 2019.
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