Comment des personnes parfaitement intelligentes peuvent devenir incapables de raisonnement critique.
Ce texte de Bonhœffer s’adressait
à la situation du peuple allemand – le peuple le plus éduqué de l’époque – qui s’était
laisser avilir par les théories des Nazis, inculquées à longueur de journée par
les média et soutenues par un très grand nombre de scientifiques. Mais ces
réflexions trouvent application tout aussi juste à notre époque et ses théories
infâmes. Vous les connaissez, ces théories, distillées à haute dose par nos
média aussi corrompus que ceux du temps de Bonhœffer. Des théories tellement
répétées et défendues y compris par un grand nombre de scientifiques, que ne
pas les croire semble le sommet de la stupidité. Quelles théories ? Celles
qui dominent la télé depuis trois ans.
Dans son dernier
paragraphe, Bonhœffer indique le seul traitement de la stupidité qu’il connaissait.
C’est toujours l’unique traitement.
John Leake, Dr. Peter A.
McCullough
27 février 2023
Dietrich Bonhoeffer avec des confirmands le 21 mars
1932 à Friedrichsbrunn. (Deutsches Bundesarchiv)
En 1943, le pasteur luthérien et membre de la
résistance allemande, Dietrich Bonhoeffer, est arrêté et incarcéré à la prison
de Tegel. Là, il a médité sur la question de savoir pourquoi le peuple allemand
– malgré sa vaste éducation, sa culture et ses réalisations intellectuelles –
était tombé si loin de la raison et de la moralité. Il a conclu qu’en tant que
peuple, ils avaient été affligés de stupidité collective (allemand :
Dummheit).
Il n’était pas désinvolte ou sarcastique, et il a
précisé que la stupidité n’est pas le contraire de l’intellect natif. Au
contraire, les événements d’Allemagne entre 1933 et 1943 lui avaient montré que
des personnes parfaitement intelligentes étaient, sous la pression du pouvoir
politique et de la propagande, rendues stupides, c’est-à-dire incapables de
raisonnement critique. Comme il l’a dit :
La stupidité
est un ennemi du bien plus dangereux que la méchanceté. L’on peut protester
contre le mal, le dévoiler et, si nécessaire, il peut être empêché par la
force. Le mal recèle toujours le germe de l’autodestruction en induisant au
moins un certain malaise chez les gens. Nous sommes sans défense contre la stupidité.
Rien ne peut être fait pour s’y opposer, ni par des protestations ni par la
violence. Les raisons ne peuvent prévaloir. Les faits qui contredisent ses
préjugés n’ont tout simplement pas besoin d’être crus, et lorsqu’ils sont
inévitables, ils peuvent simplement être écartés comme des cas isolés sans
signification.
Contrairement
au mal, la personne stupide est complètement satisfaite de lui-même. Lorsqu’il
est irrité, il devient dangereux et peut même passer à l’attaque. Il faut donc
plus de prudence lorsqu’il s’agit des stupides que des méchants. N’essayez
jamais de convaincre le stupide avec des raisons; c’est inutile et dangereux.
Pour
comprendre comment faire face à la stupidité, nous devons essayer de comprendre
sa nature. Ceci est certain : ce n’est pas essentiellement un défaut
intellectuel, mais un défaut humain. Il y a des gens intellectuellement agiles
qui sont stupides, alors que des gens intellectuellement incompétents peuvent
être tout sauf stupides. Nous le découvrons à notre grande surprise dans
certaines situations.
On a
l’impression que la stupidité n’est souvent pas un défaut inné, mais un défaut
qui apparaît dans certaines circonstances où les gens sont rendus stupides ou
se laissent rendre stupides. Nous observons également que les personnes isolées
et solitaires présentent moins fréquemment ce défaut que les groupes de
personnes socialisantes. Ainsi, peut-être que la stupidité est moins un problème psychologique
que sociologique. C’est une manifestation spéciale de l’influence des
circonstances historiques sur l’homme, un effet secondaire psychologique de
certaines conditions extérieures.
A y regarder
de plus près, on s’aperçoit qu’une grande pression du pouvoir extérieur, qu’il
soit politique ou religieux, frappe de stupidité une grande partie du peuple.
Oui, il semble que ce soit une loi sociologique et psychologique. Le pouvoir
des uns exige la stupidité des autres. Sous cette influence, les capacités
humaines se flétrissent ou échouent soudainement, privant les gens de leur
indépendance intérieure, à laquelle ils renoncent – plus ou moins
inconsciemment – pour adapter leur comportement à la situation qui prévaut.
Le fait que
les gens stupides soient souvent têtus ne doit pas cacher le fait qu’ils ne
sont pas indépendants. Quand on lui parle, on sent qu’on n’a pas affaire à lui
personnellement, mais à des phrases répétées, des slogans, etc. qui se sont
emparés de lui. Il est sous un charme; il est aveuglé; il est maltraité dans
son être.
Devenu un
instrument sans volonté indépendante, le stupide sera aussi capable de tout
mal, et en même temps, incapable de le reconnaître comme mal. C’est là que
réside le danger d’abus diaboliques. Par cela, un peuple peut être ruiné à
jamais.
Mais il sera
bien clair ici que, pour vaincre la stupidité, il ne faut pas de l’instruction,
mais plutôt un acte de libération. Ce faisant, il faudra accepter le fait que,
dans la plupart des cas, la véritable libération intérieure n’est possible qu’une
fois que la libération extérieure a eu lieu. D’ici là, il faudra s’abstenir de
toute tentative de convaincre les stupides. Dans cet état de choses, on essaie
en vain de savoir ce que « le peuple » pense réellement ».
La Bible
déclare que la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. Ainsi, la
libération intérieure de l’homme commence par une vie responsable devant Dieu.
Ce n’est qu’alors que la stupidité peut être surmontée.
Bonhoeffer, Dietrich. "Von der Dummheit":
Widerstand und Ergebung. Briefe und Aufzeichnungen aus der Haft. S.
17–20. Munich, Christian Kaiser Verlag, 1951.
Republié par John Leake.
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